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LIVRE D’AMOUR.
XXXII.

D’autres amants ont eu, dans leur marche amoureuse,
Les sentiers plus fleuris, la trace plus heureuse,
Plus facile et riante et conforme-au plaisir.
Les lieux de rendez-vous qu’ils se pouvaient choisir,
En des berceaux couverts, ou le long des allées,
Conviaient, conduisaient leurs attentes voilées,
Leur envoyaient au front mille et mille senteurs,
Et faisaient autour d’eux les oiseaux plus chanteurs.
Tantôt, en plein midi"quand la chasse brillante,
En feu sous le soleil et déjà ruisselante,
N’avait d’yeux qu’à la meute et qu’au cerf relancé,
La beauté, comme lasse, au franchir d’un fossé,
S’égarait, et glissait du palefroi fidèle
Dans les bras de celui qui ne suit que pour elle ;
Et l’aboiment lointain, la fanfare et les cris,
N’étaient plus qu’un accord à des soupirs chéris.
Tantôt, bien tard au ciel, quand la lune se lève,
L’amante qu’on espère, accomplissant le rêve,
Apparaissait penchée à son balustre d’or ;
Et ses cheveux pendants, et tout ce blond trésor,
Ses mains et ses parfums, et sa molle caresse,
Comme à l’Endymion qu’effleure la déesse,
Allaient, et, se teignant dans l’astre aux pâles flots,
Pleuvaient sur le plus cher des tendres Roméos.
Tantôt le gris matin et l’aube qu’on devine
Voyaient dans la vapeur courir une ombre fine,
Et la porte du parc avait crié bien bas ;....
Ou vers le pavillon, plutôt, tournant ses pas,
Vers le kiosque orné qui donne sur la route,
Elle allait : la rosée, en perles, goutte à goutte