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À LA PRINCESSE

conviendra que j’y ai mis toute déférence, toute patience respectueuse, et je n’en tire aujourd’hui encore d’autre conséquence que de me dire que c’est à moi de me tirer courageusement d’affaire, de me fortifier dans l’humble condition qui m’est faite et du sein de laquelle j’ai su acquérir l’estime d’une bonne partie du public, d’augmenter encore, s’il se peut, mes titres à cette estime en redoublant d’effort et de travail pendant les restes de ma vie active. Cela dit, il est impossible que certains sentiments particuliers ne s’y joignent et que quelque amertume même, au fond, ne me soit nécessaire pour m’y retremper et me donner la force dont j’ai besoin. Pour cela, il faut aussi que cette amertume soit modérée et ne m’envahisse pas : il suffit d’en avoir une légère pointe. Mais alors j’ai également besoin de ne pas m’exposer aux occasions où je suis tenté de penser trop fréquemment à certains personnages, de leur accorder une attention qui m’est inutile et qui ne peut que piquer une âme fière, résolue de se retirer de leur chemin. En un mot, le sage détourne ses regards de ce à quoi il ne peut rien, et les reporte sur ce qui est à