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Ces hommes, Guizot, les doctrinaires et leurs disciples, et en général les phraseurs ou les philosophes de tribune, perdent la France ; avec leurs grands mots de justice, d’ordre, de civilisation, ils méconnaissent ce qui fait la vie des nations ; ces grands mots seraient bons à dire, mais il faudrait savoir, en les disant, qu’il y a encore autre chose à faire pour maintenir la randeur et l’avenir d’une patrie. — les nations, les unes à l’égard des autres, n’ont d’autre règle que leur intérêt bien entendu. — à force de répéter ces mots de tribune, on persuade à la nation qu’il n’y a pas d’autre règle politique. Passe encore si l’on était vertueux envers et contre tous. Mais on garde toute sa vertu et toute sa grandeur d’âme pour régler sa conduite avec les autres puissances ; à l’intérieur et dans le ménage politique on se réserve d’être double, fourbe, et de mettre à profit la corruption. Puis, dès qu’on est en face de M. De Metternich ou de lord Palmerston, on se conduit comme un sage ou comme un saint.