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barque qui descend un fleuve ; il peut se laisser aller au courant, ou bien il peut ramer, remonter, croiser, composer en un mot avec le courant. C’est là ce que peut faire l’homme aux prises avec la force des choses, car il a le libre arbitre [1].

« On ne peut d’ailleurs se refuser à voir dans certains événements des rapports nécessaires, des lois. Prenez la Révolution française et la Révolution d’Angleterre ; malgré toutes les différences de temps, de lieu, e doctrine, quel rapport frappant dans la marche ! Comparez Cromwell et Napoléon, Cromwell bien moindre, mais un grand homme aussi et qui a eu le mérite de durer. — On a dit de Napoléon qu’il était un Robespierre à cheval ; c’est faux de Napoléon, as c’est vrai de Cromwell. La Révolution anglaise plus courte, plus resserrée, a permis à un même homme de faire

  1. M. Thiers ne prend ici le mot de libre arbitre que dans le sens de volonté, sans préjuger l’explication philosophique de la liberté morale. (S.-B.)