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susceptibles de se fondre l’une dans l’autre. On s’essaye, on se côtoie encore, on sent même u’on a besoin l’un de l’autre, et pourtant on ne se confond pas. Telle âme a pour secret idéal l’estime, l’opinion ; elle a tant fait pour la conquérir et la garder jusque-là, qu’elle ne peut se décider un peu tard à n’en tenir compte. L’autre a pour secret objet de son ambition je ne sais quel stoïcisme auqel elle tient par gageure et pour y avoir sacrifié déjà bien des fleurs : un stoïcisme mêlé de dédain et d’ironie, c’est l’idole de quelques jeunes femmes distinguées après la première jeunesse. Telle autre qui n’a jamais rien goûté ou qui a été trompée, et qui se dit qu’il est trop tard, aspire à la sécheresse et y réussit. Vous avez beau, en causant avec ces femmes dans la familiarité et l’intimité, leur présenter un idéal à vous, un idéal de tendresse et d’affection partagée, il suffit qu’il ne leur représente pas exactement le leur pour qu’elles le repoussent et qu’elles lui préfèrent leur triste pis-aller. Qu’y faire ?