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Chacun en ce monde se crée une forme d’idéal et poursuit un rêve de bonheur. Ce rêve et la forme qu’il revêt diffèrent dans chacun. Il dépend et de la nature originelle et des premières circonstances de la vie ; l’âme qui a conçu une fois et nourri son secret désir y revient obstinément à travers tout. Dans la jeunesse, ces diverses formes d’idéal ont l’air de se ressembler chez la plupart ; il y a quelque confusion possible ; mais assé la jeunesse et ce nuage doré enfui, on découvre mieux la diversité ; chacun reprend son sentier, même aride, et le suit avec moins d’espoir d’atteindre. On fait moins de concessions à l’idéal es autres, on est moins disposé à y mêler le sien et à l’amalgamer. L’idéal de deux êtres, s’il se trouve le même et si la rencontre se fait à temps, cet idéal partagé, c’est le souverain bonheur ici-bas, c’est l’éden de l’amour. Mais, encore une fois, la jeunesse enfuie, il y a moins de chances à cette rencontre ; il semble que les âmes sont devenues moins souples et moins