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fois.) — Le général Moreau était un grand général : à quel degré juste et à quel rang, ce n’est pas à nous qu’il appartient de le dire ; mais il avait sa méthode, et cette méthode était prudente, fragmentaire, si je puis dire. Il ne faisait rien du premier coup ; il s’y prenait successivement et au fur et à mesure. Quand il eut à passer le Rhin en 1800 [1], le premier Consul aurait voulu qu’il le passât sur un seul point. Le chef d’état-major de Moreau, Dessolles, vint à Paris en conférer avec le premier Consul, et après discussion il dit : « Laissez-le faire à sa manière ; s’il passe sur trois ou quatre points à la fois, qu’importe pourvu qu’il passe ?… »

Nous sommes bien peu de chose auprès d’un général qui a gagné la bataille de Hohenlinden ; mais enfin nous avons aussi notre méthode et elle n’est ni la plus prompte ni d’emblée la plus grande. Nous ne faisons rien du premier coup ; notre pont n’est pas hardiment jeté d’une

  1. A vérifier dans Thiers ou dans Jomini (S.-B.).