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On causait hier (2 avril 1848) chez Thiers, comme dans le bon temps, de Cicéron, de César, de la république romaine. Cousin d’un côté pour César, Thiers et Mignet pour Cicéron. Thiers prétendait que Cicéron était l’homme sage, politique, le bon citoyen ; Cousin disait que César avait vu que la république ne pouvait durer, qu’elle était morte, et que dès lors il n’avait pas hésité à prendre en main cette chose inévitable, l’empire. Hiers lui opposait que César n’avait pas raisonné de la sorte, que c’était un grand coquin (le plus aimable des coquins), mais un coquin, le chef de la soldatesque, qu’il n’avait obéi qu’à son ambition ; que Cicéron, au contraire, en s’interposant entre lui et Pompée, en tâchant de faire durer encore quelques années une république bien affaiblie il est vrai, bien corrompue, mais qui avait pour elle des siècles, avait été l’homme de sens et le politique patriote. On s’agitait, on s’animait de part et d’aute : Thiers se trouvait combattre le sys-