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dix-huit ans, née à Laon ; elle me raconta son histoire, elle n’avait pas mangé depuis deux jours ! et à toutes mes questions la pauvre enfant ne trouvait qu’un mot à dire pour toute plainte : Je m’ennuie bien, je m’ennuie.


Une affreuse calomnie m’atteint (30 mars 1848 [1]) : voilà donc le prix de tant d’années de discrétion, de délicatesse et de désintéressement. J’envoie au ministre ma démission (de

  1. Il s’agissait de cette fameuse mention du nom de Sainte-Beuve, accolé à une somme de cent francs, sur une liste de fonds secrets. Sainte-Beuve en a donné plus tard une explication assez gaie en racontant, dans la préface de Chateaubriand et son groupe littéraire, qu’il avait fait faire autrefois une réparation à une cheminée dans le logement qu’il occupait à la Bibliothèque Mazarine, et que cette réparation avait coûté cent francs. Comme elle était à la charge du propriétaire, et que le propriétaire, en pareil cas, c’était l’État, on avait dû écrire tout simplement sur le mémoire présenté au ministère pour être acquitté : Sainte-Beuve, cent francs. Mais, dans le particulier, il donnait une autre explication, et il nommait fort nettement quelqu’un qu’il supposait capable d’avoir abusé de son nom. J. T.