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avec je ne sais quoi de clair et de net qui, sans lui faire voir en beau les choses, dégageait pourtant sa perspective. Autant l’autre m’avait paru le front rembruni, autant je trouvais ici un certain air lucide qui se laissait voir dans toute la personne. Je me suis très-bien rendu compte de ces deux impressions si diverses chez ces deux hommes d’un bon esprit, d’un grand sens et tous deux jetés également de côté par la tempêe. L’un, M. Molé, a sa carrière faite ; il y perd peu d’avenir, et cet avenir que le vieil homme en lui ambitionnait peut-être, mais que l’homme de bon sens déclinait tout bas, il s’en trouve honorablement déchargé par la force des choses. Son passé s’embellit tout d’un coup par le contraste, et il se trouve que le ministère du 15 avril va être dans l’histoire le moment le plus serein et le plus calme de ces dix-huit années. Il a enfin la secrète satisfaction de voir que c’est entre les mains de ses grands ennemis les doctrinaires que la partie s’est perdue. Thiers a moins de sujets de