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chaque coup de tes miracles est toujours nouveau. Le plus incompréhensible et le plus magique des amours est encore celui que l’on voit et, s’il est possible, celui que l’on sent. Ne dites pas qu’il ne naît qu’une seule fois pour un même objet dans un même cœur, car j’en sais qui se renflamment comme de leur cendre et qui ont eu deux saisons. Ne dites pas qu’il naît ou ne naît pas tout d’abord décidément d’un seul regard, et que l’amitié une fois liée s’y oppose ; car un poète qui savait aussi la tendresse a dit :


Ah ! qu’il est bien peu vrai que ce qu’on doit aimer,
Aussitôt qu’on le voit, prend droit de nous charmer,
Et qu’un premier coup d’œil allume en nous les flammes
Où le ciel, en naissant, a destiné nos âmes[1] !

  1. Molière, Princesse d’Élide, acte I, scène ii