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française tenaient une grande place dans la jeune âme, et couvraient pour elle le vague des autres sentiments. Pourtant les frais souvenirs d’enfance qu’elle évoquait à cette heure, les beaux lieux qu’elle avait traversés et qui s’étaient peints si brillants en elle, tel bosquet d’Alsace, tel balcon de Burgos, les mille échos d’une militaire fanfare dans le labyrinthe gazonné d’un jardin des camps, n’étaient là, sans qu’elle le sût, que comme un prélude sans cesse recommençant, comme un cadre en tous sens remué pour celui qu’elle ignorait et qui ne venait pas. Christel prit les trois petites lettres et les mit à part sur un coin du bureau, comme pour ne pas les mêler aux autres. Quel bonjour empressé, se disait-elle, quel appel impatient et redoublé, quel gra-