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d’hui. Mais que faire ? Vous me demandez ce que je sens et je déchire les plaies.

Je ne suis pas digne de vous, de cette relation si douce et si ornée ; je compte pourtant à fond sur votre amitié, votre intérêt. Je ne vous dirai pas que cela m’est indifférent malgré toutes les duretés de cette lettre. Non, chère madame, c’est un de mes rêves, un de mes trésors d’imagination aux moments où je me permets d’en avoir. Je me dis : « J’ai connu une charmante femme, une âme d’or, l’amabilité même, faisant tout pour les autres, pour un monde qui ne la méritait pas, qui pourtant l’appréciait et qui en devenait autour d’elle plus aimable et meilleur. J’aurais voulu être, par nature, de ce monde pour jouir, dans la mesure voulue, de tant de bonne grâce et de distinctions proportionnées qu’elle savait répandre autour d’elle. Elle m’a donné idée de la vie heureuse dans la