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DE C.-A. SAINTE-BEUVE.
CCCVIII.
a charles baudelaire.
Ce 4 septembre 1865.

Cher ami,

Vous serez répondu tout de suite. Une seule fois, M. Hippolyte Garnier m’a parlé à votre sujet et de l’ouverture Lemer. J’ai dit ce qu’i1 fallait sur votre talent et votre distinction. Mais ces messieurs ne se décident ordinairement que par des motifs de vente. L’idée d’œuvres complètes les a peut-être effrayés. Ce sont de grands sceptiques quand ils ne voient pas d’avance un produit net. Ils n’auront probablement dit ni oui ni non. C’est remis pour le retour de M. Hippolyte.

Je pense à vous souvent et j’en parle avec Troubat (qui tient la plume). Je suis bien surmené de grosses besognes. Les honorables corvées sont le lot des existences récompensées comme la mienne ; on ne saurait s’y dérober. On regrette tout bas le temps où l’on était pauvre, jeune, pâle, à sec d’un côté, mais en fonds de verve et de caprice.

Je n’ai jamais beaucoup lu Custine et j’ai eu tort. C’était un homme d’infiniment d’esprit, de beaucoup de finesse, et que son vice avait cuit et recuit de bonne heure.

Il n’est jamais si désagréable à un auteur qu’on lui parle de lui et de ses livres. Aussi êtes-vous tout pardonné pour votre digression à mon sujet.

Faites-nous là-bas de vos jolis petits poëmes en prose ou