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DE C.-A. SAINTE-BEUVE.

pas de votre habileté ni de votre tact, nous le connaissons tous ; vous êtes le plus entendu des curieux ; mais les curieux sont aussi des amoureux, et les amoureux peuvent avoir leurs illusions. Enfin le vrai, c’est que provisoirement je n’ai pas d’avis arrêté, je suspends mon jugement.

L’autre soir, à Saint-Gratien, j’ai prié M. de Lescure de plaider l’authenticité, et il l’a fait à merveille. C’est un très-bon avocat. Je sais que M. Geffroy prépare un travail. On me dit qu’il conclut à l’authenticité, mais à des interpolations. La manière dont M. Reclus et M. Scherer ont introduit l’affaire devant notre public, exige une discussion méthodique et toute positive. Je ne doute pas que vous ne soyez en mesure de gagner la bataille ; mais permettez-moi de vous répéter que le ton que vous employez à l’égard des adversaires est plutôt de nature à affaiblir votre défense qu’à la fortifier. Il faut les confondre et leur fermer la bouche : et cela ne se peut qu’en leur mettant les lettres mêmes devant les yeux et plein les dents. A votre place, je déposerais les originaux ou autographes, ne fût-ce que sous verre, à la Bibliothèque impériale par exemple. Que le comte d’Hunolstein fasse de même, et le procès est jugé. Il resterait toujours à savoir comment il a eu ces lettres, et comment elles vous sont venues. — Mais vous êtes trop curieux, me dira-t-on. — Il n’y a pas de limite assignable à la curiosité dans tout ce qui touche à l’histoire.

Agréez mille amitiés.

P.-S. — Je vous écris comme je causerais.