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tiroirs fermés à clef, ou dans tes sacs d’argent bien scellés, et venir voir Boulogne, la mer et tes bons amis ! Je crains bien que tu ne m’assignes aujourd’hui les mêmes raisons que tu employais à Paris pour nous fermer la bouche, au bon Charles et à moi. Que puis-je te dire encore ? Ce qu’alors je te disais : Fais seulement le voyage, le reste nous regarde, nous tes amis et, je voudrais pouvoir dire, tes hôtes.

Pour moi, quoique j’aie l’air de bien n’amuser, je ne mourrai pas ici d’excès de plaisir, et j’aurais bien besoin que tu vinsses mêler tes saillies de gaieté à ma froide langueur. Je sors très-peu. La matinée, je la passe au cabinet avec mes livres, et, franchement, c’est mon temps le plus agréable. J’apprends l’anglais par forme de désœuvrement ; et, à mon retour, sinon à ton arrivée, nous pourrons jargonner ensemble. L’après-dîner, je sors quelquefois les jours où je ne prends pas ma lecon. Une ou deux fois par semaine, je vais voir Neate, et m’assurer si le dos de Charles n’est pas brouillé avec mon poing. C’est dans l’un de ces pèlerinages à Audisque (où est leur maison de campagne) que je me suis acquitté de ta commission épineuse sur l’épine de son dos, et que trois coups de poing ont été octroyés au susdit Charles au nom du révérend Aimé Sellèque.

Je reçois à l’instant une lettre de M. Landry qui m’annonce et le surcroît de retard arrivé à l’expédition de mes livres, et le surcroît de travail de mon ami l’économe, et aussi le surcroît de paresse de Fortuné[1]. Pour mes livres, je te recommande et de soigner ceux que tu as entre les mains et de tâcher de te procurer les autres. Quant au travail

  1. Frère de M. Landry.