Page:Sainte-Beuve - Chroniques parisiennes, 1876.djvu/86

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Athénée qui, sous la Restauration, était resté un foyer d’opposition libérale et l’antagoniste de la Société des Bonnes Lettres ; où Benjamin Constant jusqu’à la fin faisait des lectures ; où Mignet (il y a vingt ans) débutait par une leçon sur la Saint-Barthélemy qu’on lui redemandait d’entendre une seconde fois à huitaine (tant on la trouvait à la hauteur du moment)… eh bien ! cet Athénée, vieillard aujourd’hui, se meurt ; mais au lieu de mourir de sa belle mort et en vieillard du xviiie siècle qu’il est, il a recours aux charlatans. Qu’a-t-il fait ? Il s’est jeté d’abord dans les bras d’Aguado le Mécènes, qui voulait en faire quelque chose, mais qui est mort emportant son secret et ses écus ; — puis il vient de se remettre entre les mains de M. de Castellane, le même qui a un si grand goût pour les théâtres de société, pour les académies de femmes, pour le bel esprit à tout prix. — Avec M, de Castellane sont arrivés des légitimistes comme M. Amédée de Pastoret (Ombres de Chénier et de Tracy, où êtes-vous ?), mais surtout des néo-catholiques, où n’y en a-t-il pas ? Et tous les lundis, quand il n’y a pas concert ou même entre deux musiques, devant de belles dames auteurs, on voit monter en chaire quelqu’un comme M. Bruckère (auteur du Maçon et connu autrefois dans la littérature sous le nom de Michel Raymond) ou M. Bonnellier, ancien sous-préfet destitué, auteur de plats romans, et qui a débuté récemment comme acteur à l’Odéon, sous le nom de Max, et ces messieurs font des motions ; et ils expliquent comme quoi ils sont catholiques, comme quoi Voltaire est le fils du Jansénisme, et autres vérités de cette saveur. Le vieux résidu d’abonnés philo-