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de décadence ou plutôt de renaissance, un peu la mythologie d’opéra, dans ces raffinements et ces ajustements tout symétriques qu’on rencontre bientôt après. Ainsi, quand Cymodocée égarée aperçoit près d’une source Eudore endormi :

« La lumière de l’astre de la nuit, passant entre les branches de deux cyprès, éclairait le visage du chasseur tel un successeur d’Apelles a représenté le sommeil d’Endymion. La fille de Démodocus crut en effet que ce jeune homme était t’amant de ta reine des forêts une plainte du Zéphyr lui parut être un soupir de la déesse, et elle prit un rayon fugitif de la lune dans le bocage pour le bord de la tunique blanche de Diane qui se retirait. »

Ce peut être là du Girodet, ce n’est plus de l’Homère. Ce n’est plus même du Longus. On a reproché à M. de Chateaubriand (et c’est Benjamin Constant qui a soulevé cette critique[1]) d’avoir offert dans les Martyrs le tableau d’un Paganisme homérique classique qui ne pouvait plus être celui de la Grèce dans cet âge d’amalgame, à cette époque dégénérée. Je ne ferai même pas cette objection : il me suffit que Longus, dans ces charmantes pastorales de Daphnis et Chloé, ait continue de nous offrir cette mythologie riante et gracieuse, pour que de Chateaubriand ait eu le droit de nous la présenter aussi. Mon objection, qui n’est pas historique, mais toute littéraire, c’est qu’en nous l’offrant, il l’a forcée.

En tout, soit dans la composition, soit dans les comparaisons et le détail du style, ce qui manque tout fait aux Martyrs et dont l’absence, la longue, fatigue le lecteur, c’est un peu de négligence (cet άρελεια dont il parle tant et qu’il a si peu), un peu de nonchaloir, le quandoque

  1. Voir le Mercure du 31 mai 1817.