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noncer à ma place de Conservateur à la Bibliothèque Mazarine (et ma détermination fut prise dès lors, bien que, par égard pour MM. Carnot et Reynaud, je consentisse à remettre l’instant de m’en aller jusqu’à ce qu’ils n’y fussent plus eux-mêmes), je n’avais guère à choisir il me fallait vivre de ma plume, et la littérature telle que je l’entendais, et même toute littérature, était, pendant l’année 1848, une de ces industries de luxe qui furent frappées, à l’instant, d’interdit et de mort provisoire.

Ce ne fut que sous le ministère de M. de Vaulabelle que j’envoyai cette démission jusque-là différée, en marquant bien à ce ministre, homme de Lettres estimable, qu’elle tenait à une détermination plus ancienne et dont les motifs ne le concernaient pas il me répondit par une lettre très-obligeante. Dans l’intervalle, j’avais trouvé mon emploi, mon moyen de subsister. Un ancien auteur dramatique, qui était un perpétuel candidat à l’Académie, et qui, à ce titre, me visitait quelquefois, M. Casimir Bonjour, ami particulier de M. Firmin Rogier, le ministre de Belgique à Paris, m’ayant demandé en conversation si je ne connaîtrais point par hasard quelque homme de Lettres qui voulût accepter en Belgique une place de professeur de littérature française, et m’ayant appris qu’on en cherchait un pour l’Université de Liége, je m’étais offert moi-même j’avais vu M. Firmin Rogier, j’étais allé à Bruxelles conférer de ce projet avec M. Charles Rogier, ministre de l’Intérieur, que je connaissais de longue date, et j’avais accepté avec gratitude les conditions qui m’étaient faites.

Je quittai donc la France en octobre 1848 la presse de Paris ne s’occupa de ce départ que pour le railler quand un homme de Lettres n’a pas de parti ni d’armée à lui, et