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thèmes arides et secs pour paraître avoir son agrément ; il n’a commencé à briller que quand il s’est fixé à des sujets de grammaire. C’est quand il est en pleines broussailles ou broutilles philologiques qu’il se met le plus a scintiller. Mais il ne s’agit point de cela en ce moment. Un jour qu’un des articles de M. Génin avait été refusé par le directeur de la Revue des Deux Mondes, j’avais été fort étonne de recevoir de lui, au timbre de Strasbourg. où il était alors, une lettre injurieuse dans laquelle il imputait à mon influence occulte le rejet de son travail : je ne répondis point à cette lettre et me contentai de la faire voir à celui de ses amis qui s’était entremis dans cette affaire auprès de la Revue (M. L.), qui me dit : Il est ainsi ! M. Génin, chargé de la division des Lettres au ministère de l’Instruction publique après le 24 février 1848, était certainement l’homme qui s’était prévalu contre moi de cette Liste où, disait-on, figurait mon nom, et qui s’en faisait une arme d’accusation contre ma délicatesse. C’était lui-même un homme probe, mais qui, dans ses préventions et son âcreté d’humeur, aurait eu peu à faire pour être méchant.

Si M. Génin avait vécu dans le monde, dans la société, pendant les quinze années que j’y ai passées avant 1848, il aurait compris comment un homme de Lettres sans fortune, sans ambition, de mœurs modestes et se tenant à sa place, peut cependant, par son esprit peut-être, par son caractère, par son tact et toute sa conduite, obtenir une position honorable, agréable, et vivre avec des personnages de tout rang et les plus distingués à divers titres, qui ne sont pas précisément ses pareils, sur ce pied d’égalité insensible qui est – ou qui était le charme et l’honneur de