le goût, mais témoin exact des faits, nous dit de son côté :
« Je n’ai connu personne qui écrivît plus facilement que l’abbé de Pons, quoique d’un style très-singulier et en apparence très-recherché. Ce qui étonnait davantage, c’est qu’il parlait comme il écrivait, et avec la plus grande rapidité. Il était d’un tempérament vif et très-faible, ce qui l’épuisa bientôt. À un très-bel esprit il joignait un cœur excellent. Mais il nuisait à M. de La Motte par l’excès de son zèle. »
Trublet, voué à La Motte presque autant qu’à Fontenelle lui-même, estime que l’abbé de Pons lui nuisait par trop de zèle, et d’Argenson estime au contraire que le trop d’admiration pour La Motte a nui à l’abbé de Pons. La vérité est qu’ils se convenaient l’un et l’autre de tout point, qu’il y avait harmonie préétablie entre leurs esprits, et qu’à la première rencontre leurs atomes crochus s’attirèrent[1].
Comme ceux, qui sentent en eux un aiguillon secret de douleur et qui ont la vie rapide, l’abbé de Pons se prenait plus activement qu’un autre aux choses du jour, à la circonstance qui passe, et s’y jetait avec une vivacité et un feu qui faisaient de lui un excellent journaliste : ce n’est pas une raison pour nous de le mépriser. Nous le voyons en 171 1 publier une Lettre critique sur la tragédie de Crébillon, Rhadamiste et Zénobie, qui était alors dans tout son succès. En juin 1715 il écrit une autre Lettre critique, qui fut insérée dans le Mercure et qu’il adressait à Du Fresny sur sa comédie nouvelle, le Lot supposé, ou la Coquette de village. Ce sont des feuilletons, et des feuilletons consciencieux ; ils durent être fort lus et discutés. Dans son jugement de Rhadamiste, qui parut
- ↑ J’ai cherché si La Motte n’avait nulle part fait mention de l’ami si dévoué qui s’était donné à lui ; j’ai rencontré au tome IV (page 196) des Pièces intéressantes et peu connues, publiées par De La Place, six vers impromptu de La Motte sur lui, mais qui ne méritent pas d’être rapportés.