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CAUSERIES DU LUNDI.

de doctorat que par la science, est dédié à M. de Sacy, de même que la thèse latine l’était à M. Saint-Marc Girardin : on voit que l’œuvre et l’auteur tiennent par tous les liens à la famille de l’Université comme à la famille du Journal des Débats : ils en portent le cachet, et ils font honneur à l’une et à l’autre.

Pour nous, qui n’avons pas l’avantage d’appartenir à cette double famille, mais qui savons en apprécier bien des qualités et des mérites, nous demandons à dire quelques mots de l’intéressant ouvrage que nous annonçons, à le louer comme il convient, et en même temps à soumettre à l’auteur quelques critiques ou observations, soit sur des points particuliers, soit sur l’ensemble. Enfin, quoique n’ayant pas grade pour siéger en Sorbonne ni pour être juge dans le tournoi, nous ferons à notre manière notre argumentation, et nous pousserons une ou deux pointes, dont l’auteur en définitive, tout à la riposte et armé d’esprit comme il est, n’aura pas à s’effrayer ni à se plaindre.

Ce sujet même de la querelle des Anciens et des Modernes, dès le premier moment où il s’est produit à l’état de question et où il est devenu un fait d’histoire littéraire, veut être exactement circonscrit. C’est au dix-septième siècle en France qu’il prend sa forme complète et qu’il se définit tout à fait, qu’il se limite en se développant, et va prêter désormais à des guerres régulières, à des batailles rangées. Et en effet, qu’on y songe un peu : pour que le combat entre l’Antiquité et les temps modernes se pût engager dans toute son étendue et sur toute la ligne, il fallait deux conditions essentielles, l’une qu’il y eût une Antiquité bien connue, bien en vue, bien distincte et comme échelonnée sur les hauteurs du passé, l’autre qu’il y eût une époque moderne, bien émancipée, bien brillante et florissante, un grand siècle déjà et qui parût tel aux contemporains.