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femmes du régime nouveau s’essaient encore, et je ne les connais plus.

Madame Sophie Gay, par le caractère et par le tour natif, datait de bien avant la Restauration ; elle est une des femmes qui avaient le plus d’esprit sous l’Empire ; mais, comme il arrive, l’auteur chez elle retardait sur la femme du monde ; ce n’est que dans les premières années de la Restauration et dans cette seconde moitié de son âge qu’elle a réalisé la plupart de ses productions littéraires. En avançant, elle s’est appliquée sans trop d’efforts à les tailler dans la forme du jour, à leur en donner la coupe et la couleur : elle y a réussi. Sans énumérer ici ses nombreux romans, nul, en la lisant, ne devinerait qu’elle fut, par ses débuts, et, je dirai mieux, par son chef-d’œuvre (Léonie de Montbreuse), d’une époque si antérieure. Qui a lu le Moqueur amoureux (1830), un Mariage sous l’Empire (1832), la Duchesse de Châteauroux (1834), ne s’est aperçu en rien que ce ne fût pas à un auteur du moment, et du dernier moment, qu’il ait eu affaire. La Duchesse de Châteauroux, particulièrement, obtint du succès dans le public ; ce n’est que nous autres critiques qui nous sommes dit que c’est un de ces romans trop voisins de l’histoire pour intéresser véritablement les esprits amis du vrai en matière de faits ou en matière de sentiment et de passion. L’auteur, en y mettant, dès les premières pages, de cette érudition dont on est curieux aujourd’hui, est sorti de son genre et de sa nature. Son style aussi, en affectant plus de couleur, s’est tendu par endroits et s’est altéré ; il est moins pur qu’autrefois. Ce n’est point dans Léonie de Montbreuse que l’auteur aurait dit, en parlant d’une excuse que fit M. de Maurepas, ministre, à madame de La Tournelle (madame de Châteauroux), et que celle-ci repoussa avec dédain : « Cette réponse dédaigneuse fut la base de l’inimitié éclatante qui