malgré des fautes trop fréquentes et de mauvaises
habitudes de goût, jamais peut-être la vraie matière
poétique en circulation n’a été plus abondante, jamais la
main-d’œuvre plus vulgarisée, et plus à la portée de
ceux qui en abusent comme de ceux qui en sauront
profiter. J’ajouterais qu’on trouverait en ce moment
bon nombre de poètes particuliers très-distingués, et
qu’on pourrait tirer de leurs œuvres un choix à la fois
honorable et charmant. Ce qui manque, c’est une
inspiration vive, passionnée, appropriée, qui mette les
poètes en communication directe avec le public, et qui
force celui-ci à s’intéresser à leur art. Le jour où il
plaira à Dieu et à la nature de produire un talent
complet doué de cette puissance d’action et de sympathie,
il trouvera pour ses créations un rhythme, des images,
un style propre aux tons les plus divers, en un mot des
éléments tout préparés.
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CAUSERIES DU LUNDI