QU’EST-CE QU’UN CLASSIQUE ?
Question délicate et dont, selon les âges et les saisons,
on aurait pu donner des solutions assez diverses. Un
homme d’esprit me la propose aujourd’hui, et je veux
essayer sinon de la résoudre, du moins de l’examiner et
de l’agiter devant nos lecteurs, ne fût-ce que pour les
engager eux-mêmes à y répondre et pour éclaircir là-dessus,
si je puis, leur idée et la mienne. Et pourquoi
ne se hasarderait-on pas de temps en temps dans la
critique à traiter quelques-uns de ces sujets qui ne sont
pas personnels, où l’on parle non plus de quelqu’un,
mais de quelque chose, et dont nos voisins, les Anglais,
ont si bien réussi à faire tout un genre sous le titre modeste
d’Essais ? Il est vrai que, pour traiter de tels sujets
qui sont toujours un peu abstraits et moraux, il convient
de parler dans le calme, d’être sûr de son attention et
de celle des autres, et de saisir un de ces quarts d’heure
de silence, de modération et de loisir, qui sont rarement
accordés à notre aimable France, et que son brillant
génie est impatient à supporter, même quand elle veut
être sage et qu’elle ne fait plus de révolutions.
Un classique, d’après la définition ordinaire, c’est un
auteur ancien, déjà consacré dans l’admiration, et qui
fait autorité en son genre. Le mot classique, pris en ce
sens, commence à paraître chez les Romains. Chez eux