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Mémoires ; une nouvelle qui passe pour son chef-d’œuvre, Mademoiselle de Clermont, et quelques romans historiques, la Duchesse de La Vallière, Madame de Maintenon, Mademoiselle de La Fayette : ce fut son meilleur moment.

4° Enfin, sous la Restauration, Mme de Genlis ne discontinua pas d’écrire ; mais ses écrits d’alors, productions trop faciles d’une plume qui ne s’était jamais contenue, et qui s’abandonnait plus que jamais à ses redites, reproduisent, en les exagérant, tous les défauts de son esprit et de sa manière. L’élégance commune de la forme n’y dérobe plus l’insipidité du fond, et quelques observations fines y surnagent à peine dans des flots de paroles. Ajoutez qu’elle y devient de plus en plus une Mère de l’Église, et qu’elle s’y pose en adversaire à mort de Voltaire.

Pour rester juste envers Mme de Genlis, il convient de se borner et de ne la prendre que sur ses œuvres principales. Je dirai donc quelque chose de l’éducation de Louis-Philippe et de la nouvelle de Mademoiselle de Clermont, c’est-à-dire de ce que Mme de Genlis a fait de mieux comme page d’histoire et comme page de roman.

La manière dont elle conçut et dirigea, dès le premier jour, l’éducation des enfants d’Orléans, est extrêmement remarquable, et dénote chez l’institutrice un sens de la réalité plus pratique que ses livres seuls ne sembleraient l’indiquer. Elle les mit sans tarder aux langues vivantes, aux connaissances usuelles, aux choses du corps et de l’esprit, menant le tout concurremnent. Par exemple, l’été à Saint-Leu, chacun de ses élèves avait un petit jardin, qu’ils cultivaient eux-mêmes, et le jardinier qui les dirigeait ne leur parlait qu’allemand. Mais si l’on jardinait en allemand, on dînait en anglais, on soupait en italien ; le français se parlait bien assez dans les intervalles. À la promenade, un pharmacien