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CAUSERIES DU LUNDI.

seul l’a reconnue ; il a eu, en jugeant Pline, de ces mots qu’aucun autre que lui n’aurait trouvés. Le jugement de Cuvier, couronné d’une ou deux des paroles de Buffon, embrasserait probablement l’entière vérité. Tout ceci n’est et ne peut être de ma part qu’une impression littéraire et morale ; c’est la seule que j’aie le droit d’apporter en ces doctes sujets ; mais je la donne telle qu’elle résulterait pour moi, rien que de la lecture du livre sur l’Homme.

Pline passe de là à l’examen des autres animaux, et on pense bien que je ne m’y embarquerai point avec lui. À chaque pas, et même à ne voir les choses qu’en profane, on rencontrerait des portraits pleins de vie et de talent (celui du Coq, du Rossignol, par exemple, au livre des Oiseaux) ; à chaque pas on trouve aussi des anecdotes plus ou moins authentiques, mais piquantes, et qui toutes, même dans leurs erreurs, jettent un grand jour sur les habitudes, les manières de voir et les superstitions de l’antiquité. Quand, des animaux, il en vient aux productions de la terre, aux arbres et autres végétaux, Pline expose les usages qu’en ont tirés les arts et l’industrie aux diverses époques. Grâce à lui, on sait à point nommé quand et par qui chaque objet de consommation et de luxe a été introduit dans Rome. À propos du papyrus, par exemple, cette plante qui croit en Égypte, il nous parle au long de la fabrication du papier, des différentes qualités qu’il offrait pour la finesse ou la solidité, de celui qui, plus mince, s’employait dans la correspondimce épistolaire, de celui qui servait pour les ouvrages, du papier Auguste, du papier Livie, du papier Claude (sous l’Empire[1] n’avions-nous pas le

  1. On me fait remarquer que le papier dit Grand-Aigle était connu avant l’époque de l’Empire ; c’est pourtant bien alors qu’il prit son cachet impérial.