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Lundi 30 septembre 1850.

CHATEAUBRIAND
HOMME D’ÉTAT ET POLITIQUE.

M. de Chateaubriand commença sa carrière politique avec la Restauration en 1814 ; il avait quarante-cinq ans, il avait publié tous ses grands ouvrages littéraires, et il se sentait dans un certain embarras pour appliquer désormais ses hautes et vives facultés. L’Empire, contre qui il s’était mis en lutte, l’étouffait : quand le colosse parut chanceler, Chateaubriand tressaillit ; quand tout croula, il poussa un cri, un cri de joie sauvage. Dès le premier jour, il fut dans l’arène, et on peut dire, en lui empruntant une de ses images, qu’il entra dans la Restauration en rugissant. J’avais rugi, dit-il après sa chute de 1824, en me retirant des affaires. » Il aurait pu dire de même : « J’avais rugi en y entrant. »

Quelle était donc cette nature impétueuse et passionnée qui a pris et quitté si vivement les choses de ce monde, tout en s’en proclamant si désabusé ?

M. de Chateaubriand, au milieu des songes et des fantômes de son imagination, a toujours eu le goût des études sérieuses. Son premier écrit, son Essai sur les Révolutions, atteste l’étendue et la diversité de ses lectures, et un penchant marqué aux considérations politiques dans les intervalles de la rêverie. À cette première