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M. BAZIN.

peut avoir de distinction et de mordant, ou même de justesse dans l’esprit, avec des travers de vanité et des vices de caractère. À ce morceau sur Bussy il faut joindre ce qu’il a écrit sur Molière dans la Revue des Deux Mondes : il y détruit quelques erreurs traditionnelles répétées par tous les biographes ; il rectifie des dates et ajoute aux faits connus sur les origines du grand poète quelques faits nouveaux. Cependant, après avoir lu ce morceau d’une exactitude inexorable, et l’avoir goûté en ce qu’il a de sobriété piquante, je n’ai pu m’empêcher d’écrire en marge cette impression plutôt morale que littéraire : « C’est très-bien, mais pourquoi cette âcreté mal dissimulée pour des choses si simples ? pourquoi ne pouvoir rectifier une date ou un fait sans avoir l’air de faire une épigramme, et de dire à son prochain : Tu es un sot[1] ! »

On a parlé d’autres morceaux inédits de M. Bazin qui rentrent dans les mêmes études du xviie siècle ; il s’était fort occupé de Saint-Simon et de Mme  de Sévigné, laquelle il admirait comme écrivain par-dessus tout. Les amis des Lettres doivent désirer que ces morceaux soient assez achevés pour que M. Paulin Paris, qui en est dépositaire, puisse nous en faire jouir.

Ce qu’était surtout M. Bazin en effet, et ce que je trouve le plus à honorer en lui, c’était l’amateur véritable et passionné des Lettres. Vivant dans le commerce des hommes du meilleur temps et de la meilleure

  1. Une note précise que j’ai sous les yeux, et que je dois à l’amitié de M. Taschereau, me montre qu’en se piquant d’être plus exact que tous ses devanciers, M. Bazin, lui aussi, n’a pas laissé de faire plus d’une hypothèse et de commettre quelques petites erreurs de fait, en même temps qu’il se donne le facile plaisir de se poser en redresseur sur des points que d’autres avaient déjà rectifiés avant lui. Conclusion : même quand nous croyons avoir le plus raison, soyons modeste.