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Lundi 12 août 1850.


M.  DE  BROGLIE.

Ce n’est pas de la politique que je viens faire ; je ne veux qu’appliquer à quelques sujets nouveaux la même méthode d’analyse dont j’use à l’égard des auteurs et des personnages littéraires. Les Assemblées politiques tiennent trop de place dans notre régime de société, et y exercent une trop grande influence, pour pouvoir être omises dans une étude un peu variée et complète des hommes de ce temps. Elles en possèdent dans leur sein les plus considérables, elles les développent, elles les produisent sous des aspects nouveaux ; elles les modifient souvent et les manifestent toujours. En un mot, on ne connaît jamais mieux un esprit, un talent, un caractère ou un amour-propre, que quand on l’a vu quelque temps à ce jeu-là.

En abordant toutefois ce genre d’esquisse, j’ai voulu commencer par un sujet tout à fait sûr, et me prendre à quelqu’un qui ne laissât guère lieu à une diversité de jugements. M. de Broglie, qu’on ait plus ou moins de goût pour ses idées ou pour sa personne, est un homme universellement respecté. Cette chose rare, le respect, que M. Royer-Collard proclamait presque introuvable de nos jours, et dont il jouissait si pleinement lui-même,