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Lundi 15 juillet 1850.

CHANSONS
DE
BÉRANGER.
(Édition nouvelle.)

Je parlais l’autre jour de Voltaire, parlons un peu de Béranger ; rien de plus naturel. Mais pourquoi ne traiterions-nous pas aussi en tout Béranger comme Voltaire, c’est-à-dire sans le surfaire cette fois, sans le flatter, et en le voyant tel qu’il est, tel que nous croyons le connaître ? La part encore lui restera bien assez belle. Nous avons tous, presque tous, autrefois professé pour Béranger plus que de l’admiration, c’était un culte ; ce culte, il nous le rendait en quelque sorte, puisque lui-même il était idolâtre de l’opinion et de la popularité. Le temps n’est-il pas venu de dégager un peu toutes ces tendresses, toutes ces complaisances, de payer à l’homme, à l’honnête homme qui a, comme tous, plus ou moins, ses faibles et ses faiblesses, au poëte qui, si parfait qu’on le suppose, a aussi ses défauts, de lui payer, dis-je, une large part, mais une part mesurée au même poids et dans la même balance dont nous nous servons