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Lundi 8 juillet 1850.

MADAME  DU  CHÂTELET.
SUITE DE

VOLTAIRE  À  CIREY.

Je dois, en commençant, un petit mot d’explication en réponse à plus d’une question qui m’a été faite en des sens divers. Quelle est mon intention et mon but en revenant volontiers ici sur ces sujets du xviie et du xviiie siècle ? Ai-je en vue de proposer des modèles ? Non pas précisément ; mais je voudrais aider avant tout à maintenir, à renouer la tradition, sans laquelle rien n’est possible en bonne littérature ; et, dès lors, quoi de plus simple que de tâcher de renouer cette tradition au dernier anneau ? Si bien des choses étaient déjà gâtées à la fin du xviie siècle et pendant tout le xviiie le langage du moins y était encore bon, la prose surtout s’y retrouvait excellente quand c’étaient Voltaire et ses proches voisins qui causaient ou qui écrivaient. Je voudrais donc nous remettre, me remettre moi-même tout le premier, au régime de ce langage clair, net et courant. Je voudrais que, dans le commerce de ces hommes ou de ces femmes d’esprit d’il y a un siècle, nous nous reprissions à causer comme on causait autrefois, avec légèreté, politesse s’il se peut, et sans trop d’emphase. Un des défauts des générations nouvelles (lesquelles ont leurs qualités d’ail-