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MAZARIN

gement, surtout lorsque des pièces positives et neuves sont produites à Tappui.

Il est arrivé au cardinal Mazarin, si heureux en toutes choses, un très-grand malheur après sa mort : cet homme, sans amitiés et sans haines, n’a eu qu’un seul ennemi avec qui il ne se soit pas réconcilié et à qui il n’ait jamais pardonné, le cardinal de Retz ; et celui-ci, en écrivant ses immortels Mémoires, a laissé de son ennemi, de celui en qui il voyait un rival heureux, un portrait si gai, si vif, si amusant, si flétrissant, que les meilleures raisons historiques ont peine à tenir contre l’impression qui en résulte, et qu’elles ne parviendront jamais à en triompher.

En revanche, il est arrivé au cardinal Mazarin, après sa mort, plusieurs bonnes fortunes, et c’est de nos jours particulièrement que sa réputation de grand politique a trouvé des appréciateurs attentifs, compétents, et des vengeurs. M. Mignet le premier, dans l’Introduction qu’il a mise en tête des Négociations relatives à la succession d’Espagne (1835), rencontrant tout d’abord Mazarin, lui a rendu une éclatante justice, et a tracé de lui un grand portrait historique en pied qui restera. Vers le même temps (1836), M. Ravenel publiait, pour la Société de l’Histoire de France, des Lettres de Mazarin, écrites, pendant sa retraite hors de France, à la Reine, à la Princesse Palatine, à d’autres personnes de sa confidence, et qui prouvent du moins que, dans un temps où il se rencontrait si peu de cœurs français parmi tant de factieux, il était encore le plus Français de tous dans les vues de sa politique et de son ambition toute sensée. Plus tard (1842), M. Bazin, dans les deux volumes qu’il a consacrés à l’Histoire de France sous le Ministère du Cardinal Mazarin, s’est attaché à dégager le récit hnistorique des séductions qu’y avaient jetées les pein-