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HUET

gument du sonnet que je vous garde ; car je ne fais pas tant le renchéri sur le sujet de mes inclinations que vous. »


Cette lettre du 8 janvier 1662 nous décèle une petite velléité amoureuse, une première inclination du futur prélat.

En littérature ancienne, Huet était du meilleur goût, du plus sain et du plus fin, du plus délicat et du plus sévère : en français, il est sujet à se tromper, à confondre, à ne point marquer nettement les différences. Dans ses lettres à Ménage, il associe et mêle perpétuellement dans un même hommage et dans une commune admiration Mlle  de Scudery et Mme  de La Fayette, c’est-à-dire celle qui égara et noya le roman dans les fadeurs, et celle qui le réforma avec tant de justesse et de goût. Pourtant Huet devait apprécier, ce semble, Mme  de La Fayette ; c’est pour lui complaire qu’il écrivit sa dissertation De l’Origine des Romans, qui parut d’abord en tête de l’histoire de Zayde, qu’elle avait composée. Elle lui disait agréablement à ce sujet : « Savez-vous que nous avons marié nos enfants ensemble ? » Et, malgré tout, le faible de Huet était encore pour Mlle  de Scudery, pour l’illustre Sapho, comme il l’appelait. Les injures qu’elle reçut de Boileau et de ce jeune monde lui furent, à lui, très-sensibles ; il les ressentit en ami et en chevalier. Je ne sais trop à quelle première attaque il est fait allusion dans le passage de lettre que voici :


« Les vers que vous m’avez envoyés, écrivait Huet à Ménage (4 février 1660), m’ont charmé, et particulièrement la première épigramme, où vous vengez si ingénieusement l’injure faite à Mlle  de Scudery. Si j’osais, je lui offrirais ma plume pour soutenir ses intérêts et pour vous servir de second, et je répandrais très-volontiers pour un si juste et si digne sujet jusqu’à la dernière goutte de mon encre et de mon sang. »