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M. JULES JANIN.

dans la province ; elle renfermait, je l’ai dit, plus de deux cents filles, tant maîtresse ? que postulantes et pensionnaires, et servantes. Parmi les premières, se trouvaient beaucoup de demoiselles de qualité, Mlles  Daguesseau, de Chaulnes, de Fieubet, de Catelan. Sur la nouvelle du danger, Mme  de Mondonville courut à Paris. Déjà deux de ses voyages lui avaient si bien réussi, qu’elle comptait encore sur l’etfet de sa présence. Mais, à peine arrivée, elle reçut l’ordre du roi de se rendre à Coutances, en basse Normandie. Là, détenue comme en prison au couvent des Religieuses Hospitalières, elle n’en sortit plus, et mourut seulement en 1703 ou 1704.

Privées de leur Supérieure, ses Filles, à Toulouse, se montrèrent dignes d’elle, et soutinrent le choc des puissances, comme elles auraient soutenu un siège et un assaut. On a une Relation de ces moments suprêmes, écrite par l’une d’elles, et où respire un vif sentiment de l’innocence opprimée par l’injustice. Un tel accent, qui ne se feint pas, est la meilleure réponse à bien des accusations des ennemis. La dispersion exigeait des formalités de procédure, d’inventaire. L’archevêque de Toulouse (M. de Montpezat), en rendant son Ordonnance conformément à l’Arrêt du Conseil, aurait voulu adoucir l’exécution dans la forme, surtout en ce qui concernait les demoiselles de qualité, Mlles  de Chaulnes, Daguesseau et autres ; il leur écrivait ou leur faisait faire des compliments de condoléance sur la nécessité rigoureuse où il était de les frapper ; mais elles eurent la générosité de se refuser à tout adoucissement, et tinrent à honneur d’être traitées comme la dernière de leurs compagnes. On vint régulièrement, et en toute cérémonie, profaner la chapelle, on enleva les hosties et les vases sacrés. Les Filles de la Congrégation ne continuèrent pas moins de s’y rassembler dans leurs exercices de