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CAUSERIES DU LUNDI.

se prodigua durant une peste de Toulouse. Tout indique qu’il était doux, modéré, de bon conseil, plus fait pour mitiger et retenir celle qu’il dirigeait que pour la pousser aux extrêmes. Mais il était, de concert avec elle, le directeur de la maison de l’Enfance ; il logeait dans l’enceinte de cette maison, dans l’enclos du jardin, n’ayant qu’un pas à faire pour être chez sa pénitente. Après sa mort, et peut-être de son vivant, son portrait ornait la chambre de la fondatrice ; elle lisait et relisait ses billets dont elle faisait des recueils, et qu’elle gardait précieusement. On ne peut s’étonner, après cela, qu’il ait couru des propos et des chansons à ce sujet, et l’on assure que le saint évêque d’Aleth, Pavillon, blâma M. de Ciron d’y avoir prêté par les apparences[1].

Ce fut en 1662 que l’Institut se fonda régulièrement ; mais il eut, dès sa naissance, à surmonter bien des difficultés et des obstacles. Les religieux, et particulièrement les Jésuites, qui se voyaient exclus de la direction de cet établissement, et qui n’y avaient aucun accès, essayèrent de le ruiner à diverses reprises. Quatre fois ils revinrent à la charge : une première fois, dès l’origine,

  1. L’évêque d’Aleth, M. Pavillon, avait également désapprouvé, dès le principe, l’idée de mettre en corps de communauté les filles destinées à l’éducation de l’enfance. C’est ce saint évêque qui avait d’abord établi dans son diocèse des filles régentes pour l’éducation des personnes du sexe, et M. de Ciron lui avait demanda d’en envoyer quelqu’une à Toulouse pour y former d’autres maîtresses et y faire école. Mme de Mondonville, en embrassant la pensée d’une fondation plus ambitieuse, ne suivit point les conseils de M. Pavillon ; il s’y opposa autant qu’il le put, mais inutilement : « Les Communautés, disait-il, dégénèrent toujours et ne conservent pas longtemps l’esprit de leur Institut. » ( Vie de M. Pavillon, évêque d’Aleth, tome 1er, page 166.) — À bien regarder ce passage de la Vie de M. Pavillon, qui est écrite par une plume janséniste très-pure et aussi très-circonspecte, on y voit implicitement l’aveu qu’il y eut des abus dans cet Institut de l’Enfance.