Gardez de cette nuit, garde, belle Nature,
Au moins le souvenir !
Qu’on relise la pièce, ou plutôt qu’on se la redise par
cœur un moment, et qu’on se demande si ce simple cri,
ce vague et profond appel ne rend pas mieux la
sincérité du sentiment que de venir nous dire : « Nous
visitâmes ainsi successivement ensemble toutes les anses,
toutes les vagues, tous les sables du lac, toutes les cimes,
toutes les croupes, toutes les gorges, toutes les vallées
secrètes, toutes les grottes, toutes les cascades encaissées
dans les fissures des rochers de la Savoie. » S’adressant
au lac chéri qu’il revenait seul revoir après une
année, le poëte, encore ému, s’écriait :
Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés ;
Ainsi le vent jetait l’écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés !
Le sentiment n’était-il pas mieux observé dans cette
simple écume jetée au hasard, que lorsque nous lisons
aujourd’hui : « Une terrasse couverte de quelques
mûriers sépare le château de la plage de sable fin où
viennent continuellement mourir, écumer, lécher et
balbutier les petites langues bleues des vagues. » Remarquez,
même aux meilleurs endroits, que ce qu’on nous donne
ici comme le dernier mot, n’est pas plus vrai ni plus réel :
c’est moins contenu, et dès lors moins poétique. Car la
poésie est l’essence des choses, et il faut bien se garder
d’étendre la goutte d’essence dans une masse d’eau ou
dans des flots de couleur. La poésie ne consiste pas à
tout dire, mais à tout faire rêver.
Le personnage d’Elvire transformé en celui de Julie