l’aima point avec passion. Cette passion, elle ne la porta sur personne jusqu’au jour où ces trésors accumulés de tendresse éclatèrent sur la tête de sa fille pour ne plus s’en déplacer. Un poëte élégiaque l’a remarqué : un amour qui vient tard est souvent plus violent ; on y paie en une fois tout l’arriéré des sentiments et les intérêts :
Ainsi de Mme de Sévigné. Sa fille hérita de toutes les épargnes de ce cœur si riche et si sensible, et qui avait dit jusqu’à ce jour : J’attends. Voilà la vraie réponse à ces gens d’esprit raffinés qui ont voulu voir dans l’affection de Mme de Sévigné pour sa fille une affectation et une contenance. Mme de Grignan fut la grande, l’unique passion de sa mère, et cette tendresse maternelle prit tous les caractères en effet de la passion, l’enthousiasme, la prévention, un léger ridicule (si un tel mot peut s’appliquer à de telles personnes), une naïveté d’indiscrétion et une plénitude qui font sourire. Ne nous en plaignons pas. Toute la correspondance de Mme de Sévigné est comme éclairée de cette passion qui vient s’ajouter à tous les éclairs déjà si variés de son imagination et de son humeur.
Et sur ce dernier point, c’est-à-dire le tempérament et l’humeur, connaissons bien Mme de Sévigné. En parlant d’elle, on a à parler de la grâce elle-même, non pas d’une grâce douce et molle, entendons-nous bien, mais d’une grâce vive, abondante, pleine de sens et de sel, et qui n’a pas du tout les pâles couleurs. Elle a une veine de Molière en elle. Il y a de la Dorine dans Mme de Sévigné, une Dorine du beau monde et de la meilleure compagnie ; à cela près, la même verve. Quelques mots de Tallemant caractérisent bien cette charmante et puis-