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il a dit là-dessus le premier et le dernier mot ; ses écrits en ce genre sont classiques : il est le Latreille des araignées. Il s’est occupé aussi des abeilles. Sa Géographie ancienne des Gaules le classe à un haut rang parmi les géographes originaux, à la suite de d’Anville. Partout à travers cela, nous le trouvons amoureux de La Fontaine, le suivant dans ses rêveries jour par jour, nous le racontant par le menu, comme aurait pu le faire Pellisson, célèbre aussi par son araignée ; puis, s’occupant d’Horace, et donnant deux gros volumes, un peu gros vraiment, mais pleins de choses sur le charmant poëte ; et, de là, revenant à La Bruyère, dont il a publié la meilleure et la plus complète édition ; enfin, s’attachant à Mme  de Sévigné, comme s’il ne l’avait jamais quittée un instant et comme si, de toute sa vie, il n’avait rien eu autre chose à faire.

Vous connaissez ce bon d’Hacqueville, l’ami, le confident empressé de Mme  de Sévigné et de tout son monde, celui qui se met en quatre et en mille pour tout voir, pour tout savoir, qui sait les dessous de cartes d’un chacun, et qui n’en est pas moins obligeant et indulgent pour cela, incapable de négliger aucun ami absent ou présent, se multipliant de sa plume et de sa personne pour suffire à tout. En vain Mme  de Sévigné essayait quelquefois de le modérer dans son zèle de bons offices et de correspondance : « Vous jugez bien, écrivait-elle à sa fille, que puisque le régime que je lui avais ordonné ne lui plaît pas, je lâche la bride à toutes ses bontés et lui laisse la liberté de son écritoire. Songez qu’il écrit de cette furie à tout ce qui est hors de Paris et voit tous les jours tout ce qui y reste : ce sont les d’Hacqueville… » C’est ainsi qu’elle le surnomme, et elle continue d’en parler comme s’il était plusieurs. Eh bien ! supposez un moment qu’après tout à l’heure deux