Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. de Chateaubriand est seulement le premier écrivain d’imagination qui ouvre le xixe siècle ; à ce titre, il reste jusqu’ici le plus original de tous ceux qui ont suivi, et, je le crois, le plus grand. C’est de lui que viennent comme de leur source les beautés et les défauts que nous retrouvons partout autour de nous, et chez ceux même que nous admirons le plus : il a ouvert la double porte par où sont entrés en foule les bons et les mauvais songes. Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces Mémoires, en les abordant dans le détail et en les prenant dans leurs diverses parties. J’aurais aimé à parler de l’épisode de Charlotte et du Chateaubriand romanesque : le Chateaubriand politique demanderait aussi une étude à part. Dès aujourd’hui une conclusion me parait incontestable : entre les divers portraits ou statues qu’il a essayé de donner de lui, M. de Chateaubriand n’a réussi qu’à produire une seule œuvre parfaite, un idéal de lui-même où les qualités avec les défauts nous apparaissent arrêtés à temps et fixés dans une attitude immortelle, — c’est René.