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Lundi 11 mars 1850.

LETTRES
DE LA
MARQUISE DU DEFFAND.

On a réimprimé dans ces derniers temps bien des classiques, et même de ceux qui ne le sont pas. Les Lettres de Mme Du Deffand, je ne sais pourquoi, n’ont pas eu cet honneur. Le recueil le plus considérable de ces Lettres a été publié pour la première fois en 1810 à Londres, d’après les manuscrits trouvés dans les papiers d’Horace Walpole. Cette édition a été reproduite à Paris en 1811, en 1812, en 1824, avec quelques corrections et aussi quelques suppressions. On ne s’est pas donné la peine, depuis, de réimprimer le texte en l’épurant, en le comparant avec l’édition de Londres pour rétablir les quelques endroits retranchés ou altérés. Et pourtant Mme Du Deffand méritait bien ce soin, car elle est un de nos classiques par la langue et par la pensée, et l’un des plus excellents. C’est ce caractère que je voudrais essayer de déterminer en elle aujourd’hui.

J’ai parlé une fois ici de Mme de Sévigné, et tout récemment de Mme Sand. Entre ces deux femmes si éloignées et si distantes, quels sont les noms qui comptent véritablement, qui méritent de figurer en première ligne dans la série des femmes célèbres par leur talent