Mémoires qui n’en sont pas, et dans lesquels on pose. Ce sont bien là en gros les événements de votre jeunesse, mais revus et racontés avec vos sentiments d’aujourd’hui ; ou bien ce sont vos sentiments d’alors, mais déguisés sous les couleurs d’à présent. On ne sait où est le vrai, où est le faux ; vous ne le savez vous-même ; ce faux et ce vrai se mêlent à votre insu sous votre plume et se confondent. En veut-on un tout petit exemple ? Une noble dame qui accueille M. de Lamartine réfugié en Suisse pendant les Cent-Jours, la baronne de Vincy, lui explique qu’elle ne voit point Mme de Staël, que la politique les sépare, et qu’elle a le regret de ne pouvoir le présenter à Coppet : « Elle est fille de la Révolution par M. Necker, disait Mme de Vincy ; nous sommes de la religion du passé. Nous ne pouvons pas plus communier ensemble que la démocratie et l’aristocratie. » Communier ensemble ! Je vous demande si, avant les banquets humanitaires, on avait l’idée de s’exprimer ainsi. Mme de Vincy a dit communiquer. M. de Lamartine commet là un anachronisme qui n’est pas seulement un anachronisme de langage, mais qui en est un au moral. Dans les Confidences, il en a commis perpétuellement de semblables.
J’aurai encore bien à dire, lorsqu’une autre fois je m’occuperai de Raphaël.