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nonce, de chercher son succès dans des ornements étrangers et dans des digressions à l’ordre du jour. Pour s’en guérir, il devrait suffire de relire dans les anciens Éloges ces parties si applaudies autrefois : ce sont celles qui font tache aujourd’hui. — Mlle Mars disait un mot d’un grand sens, et qui a son application dans plus d’un art : « Comme nous jouerions mieux la comédie, si nous ne tenions pas tant à être applaudis ! » Ôtez ce mot de comédie qui aurait l’air désobligeant, cela n’est-il pas vrai de tous ceux qui ont un rôle et qui sont en scène, et qui devraient sembler y être le moins possible, des professeurs, des orateurs politiques, des orateurs littéraires, et même des savants ? Non pas que je conseille à ceux-ci de ne pas plaire, les jours où ils se produisent ; mais ils ne doivent chercher à plaire qu’en restant eux-mêmes, et tout l’art est dans la mesure[1].


  1. Je dois à un compatriote de Pariset, à M. l’abbé Monrot, quelques renseignements précis sur ses premières années. Il était né, le 5 août 1770, à Grand, bourg de l’arrondissement de Neufchâteau ; son père était un simple garde-forestier. Âgé de huit ans, on l’envoya sur une voiture de roulier à Nantes, chez un oncle perruquier ; il suivit les écoles primaires. À onze ans, on lui fit apprendre l’état de parfumeur. Tout en broyant ses cosmétiques, l’enfant lisait et réfléchissait ; un jour, un Molière lui tomba entre les mains. Un de ses camarades lui prêta Massillon, Fénelon, Bossuet, etc. La parfumerie se remplissait de livres ; il resta toujours un peu de cette parfumerie aux écrits de Pariset. Voyant ses dispositions et sa passion pour la lecture, on lui fit faire ses études chez les Oratoriens de la ville. Au bout de deux ans, il était le premier des rhétoriciens, etc.