Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/414

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moment qu’au genre académique lui-même, qu’il est temps, surtout dans l’ordre des sciences, de rapprocher de la vérité et de baisser d’un cran. Au reste, cette demi-révolution, cette réforme que j’appelle est déjà en partie faite, et la cause peut sembler gagnée auprès des bons esprits. Je laisse de côté les vivants, pour ne paraître flatter personne ; mais écoutons Cuvier en tête de son recueil d’Éloges : « Les petites biographies écrites avec bienveillance, dit-il, auxquelles on a donné le nom d’Éloges historiques, ne sont pas seulement des témoignages d’affection que les Corporations savantes croient devoir aux membres que la mort leur enlève ; elles offrent aussi à la jeunesse des exemples et des avertissements utiles, et à l’histoire littéraire des documents précieux. » Voilà l’idée vraie du genre exprimée avec modestie par un homme supérieur qui s’y est lui-même exercé. Aussi je souffre toujours quand je vois une chose simple qu’on n’a pas osé dire dans un Éloge historique par je ne sais quel scrupule de noblesse ou de fausse convenance. Veut-on un tout petit exemple ? Corvisart dans sa jeunesse est informé qu’une place de médecin est vacante à l’hôpital Necker : il se présente chez la respectable fondatrice, Mme Necker ; mais il ne porte point perruque, nonobstant l’usage. Or, cette perruque ici paraîtrait d’autant plus nécessaire, que le médecin est plus jeune et aurait plus besoin de ce qui impose auprès des malades. La place lui est offerte, mais à condition de prendre la perruque consacrée. Corvisart a grand besoin de la place, mais il refuse et aime mieux garder ses cheveux. L’anecdote est assez agréablement racontée chez Pariset ; pourtant, au lieu de dire l’hôpital Necker et de nommer la fondatrice, il nous parle d’un établissement « qu’une dame célèbre avait fondé du côté de Vaugirard ; » il tourne autour de cette dame