Page:Sainte-Beuve - Causeries du lundi, I, 3e éd, 1857.djvu/413

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blement et par efforts saccadés, comme pour en vaincre la cohérence et les déprendre l’une de l’autre. » On ne saurait mieux dire ; et, certes, ce n’est pas là le défaut qu’on reprochera à Pariset. Ce n’est pas de lui qu’on dira qu’il avait le style étranglé, comme l’appelait Voltaire. Il a le nombre, il a le déploiement indéfini de la phrase. Dès qu’il ouvre la bouche, la parole abonde et afflue sur ses lèvres, mais il ne la ménage pas assez. Le genre tempéré a aussi ses écueils et comme ses excès. Cicéron l’a remarqué très-bien, ceux qui n’y prennent pas garde et qui s’abandonnent à la facilité de ce genre « courent risque de tomber dans un style lâche et flottant, qu’on appelle ainsi parce qu’il flotte en effet çà et là, comme un membre désarticulé et qui n’a plus ni nerf ni ressort. » C’est tout le contraire de ce parler sec, bref et nerveux qu’affectionne Montaigne, et qui, au besoin, a le coup de jarret du Basque.

L’idée qu’il s’était formée du style académique a contribué à égarer Pariset et à le faire abonder dans les exagérations de sa nature. Il est évident que, pour les simples Éloges des savants, il songeait trop à l’Oraison funèbre ; il relisait bien plus volontiers Bossuet ou Fléchier qu’il ne relisait Fontenelle. Cela est surtout sensible dans les exordes de ses éloges de Larrey et de Desgenettes, où il le prend, peu s’en faut, sur le ton de l’hymne ou du moins sur celui de l’épopée. On sent tout d’abord une imagination qui s’est montée elle-même par toutes sortes de souvenirs oratoires ou pindariques. Je voudrais bien plutôt qu’avant de se mettre à écrire l’Éloge d’un médecin, on relût auparavant les Notices sur Dodart et sur Boerhaave, de Fontenelle, non pas pour les imiter, mais pour se donner la note et s’empêcher de forcer le ton.

Ce n’est pas tant à Pariset que je fais le procès en ce