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sidérer d’abord comme agriculteur, l’orateur biographe nous dira que « les premières fleurs qu’il jettera sut le tombeau de M. Duhamel doivent être cueillies dans les champs qu’il a cultivés. » À propos des expériences de ce savant sur la greffe : « On apprend dans son ouvrage, dit-il, que deux sèves destinées à circuler ensemble doivent avoir entre elles une analogie déterminée, et que l'on rapprocherait en vain des rameaux que la nature n’a pas formés l'un pour l’autre. Ainsi, deux personnes que l’on a la barbarie de joindre malgré la disproportion de leur âge ou de leur penchant, ne sont jamais véritablement unies, et il s’établit entre elles un combat qui ne finit qu’avec leurs jours. » N'entendez-vous pas d’ici les murmures flatteurs qui durent accueillir ce passage contre les unions mal assorties ? Ne voyez-vous pas les plus jolies mains se hâter, par leurs applaudissements, de protester contre les chaînes dont elles se croyaient chargées ? Plus loin, si Duhamel découvre qu’une certaine maladie des grains provient d’un tout petit insecte qui s’y cache, Vicq-d’Azyr nous montrera l’homme de bien ainsi en proie à des ennemis obscurs comme à un insecte caché. Si Duhamel invente un appareil pour le dessèchement des grains, et s’il place cet appareil dans une tour qu’il surmonte d’ailes toutes semblables à celles d’un moulin à vent, Vicq-d’Azyr y verra « un monument élevé par le patriotisme, vraiment digne de décorer la maison d’un philosophe, et bien différent de ces tours antiques… » Suit une petite sortie contre les tours gothiques et féodales. C’est là une veine de mauvais goût chez Vicq-d’Azyr, et qui compromet l'intérêt très-réel, le mérite solide et orné de l’ensemble. On retrouverait plus ou moins de cette veine dans tous ses Éloges. Dans celui qu’il fit de Haller, un des morceaux les plus admirés était l’endroit où il montrait Hal-