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une campagne. La Terreur passée, il revint à Paris ; il entra dans l’institution Hix. C’est là que M. Bertin, en homme d’esprit qu’il était, s’avisa de l’aller prendre lorsqu’ayant fondé le Journal des Débats, il sentit que le feuilleton des théâtres faisait défaut. Geoffroy y réussit singulièrement. Il eut assez de flexibilité pour changer sa manière. On sentait bien que sa légèreté n’était pas toujours naturelle, et que le poignet était pesant : pourtant il sut animer et féconder ce genre de critique en y introduisant les questions à l’ordre du jour, et en y mêlant à tout propos une polémique qui battait alors les passions. Il eut de gros appointements, une loge au théâtre, une voiture pour s’y rendre, sans compter le reste. Ses articles, relus aujourd’hui, ont fort perdu. Les gens du métier, cependant, en font cas toujours, et y trouvent encore d’utiles remarques. Mais leur vogue, dans le temps, fut prodigieuse.

Dussault avait une instruction bien moins étendue que celle de Geoffroy ; il savait bien le latin, pas le grec ou très-peu ; il n’avait pas un très-grand nombre d’idées, mais il les exprimait avec soin, il les redoublait avec complaisance. Il avait fort étudié le style de Jean-Jacques Rousseau, et il lui empruntait volontiers l’apostrophe.

Hoffman avait une bien autre étendue de connaissances et d’idées que Dussault ; il savait toutes choses, assez bien l’antiquité, très-bien la géographie, de la médecine, sans compter qu’Hoffman était un auteur dans le vrai sens du mot ; il a fait preuve de cette faculté à la scène dans d’agréables inventions, dans le joli Roman d’une heure, dans l’excellente bouffonnerie des Rendez-vous bourgeois. Enfin il était érudit avec variété, sans pédantisme, facile de plume, un peu prolixe, caustique, ce que n’était pas Dussault, qui, dans deux ou trois circonstances, fit preuve pourtant de sarcasme. Pour Hoff-