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Le volume ne prend tout son intérêt qu’à partir de l’épisode de Lucy, et cet intérêt se prolonge jusqu’à la fin de l’épisode de Graziella. Ce premier amour avec Lucy, sous l’invocation d’Ossian, est une jolie esquisse d’un trait pur et simple ; c’est finement touché : il y a du sourire, un peu de malice ; en un mot, de ces qualités qu’excède aisément le talent de M. de Lamartine, mais qui font d’autant plus de plaisir à rencontrer chez lui. Le passage du nord au midi est sensible ; on fait le chemin en compagnie de la piquante cantatrice Camilla. Le nuage d’Ossian se dissipe peu à peu au soleil d’Italie ; la beauté romaine se dessine. La Camilla fait transition entre Lucy et Graziella. Celle-ci est la véritable héroïne des Confidences.

L’épisode de Graziella a des parties supérieurement traitées et dans lesquelles on reconnaît un pittoresque vrai, sans trop de mélange du faux descriptif, un sentiment vif de la nature et de la condition humaine. M. de Lamartine, en prenant soin de mettre la date de 1829 à la suite de cet épisode, a voulu nous avertir qu’il l’avait écrit dés cette époque, et que les vers qu’il consacrait à la jeune Napolitaine en 1830 ne sont venus qu’après, comme un couronnement. Quoique cet épisode de la Graziella soit écrit avec plus de fermeté et de simplicité que le reste des Confidences, on y trouve pourtant quelques-uns de ces tons discordants et forcés, tels que M. de Lamartine n’en admettait pas encore dans sa manière à la date de 1829 ; on se prend à douter de cette date ; et, en effet, l’auteur lui-même, qui a des instants d’oubli, nous dit, dans sa préface des mêmes Confidences, que c’est en 1843, à Ischia, au moment où il composait son Histoire des Girondins, qu’il écrivit comme intermède cet épisode de Graziella. S’il dit vrai dans sa préface, il s’est donc permis une légère suppo-