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elle est à l’instant fanée et devient comme ancienne. Elle contracte de la préméditation, de la fermeté, du poids, de la trempe, et parfois un éclat sombre.

Tout cela dit, il est juste de reconnaître que dans le second volume surtout de l’Histoire de la Révolution d’Angleterre, il y a des parties irréprochables d’un récit continu. C’est quand M. Guizot se livre à sa manière favorite, comme dans le Discours récent, que tout alors se tourne naturellement chez lui en considérations. La description elle-même du fait est déjà un résultat.

Mais on ne jugerait pas bien l’écrivain chez M. Guizot, si l’on ne parlait de l’orateur. L’un tient étroitement à l’autre, et a réagi sur l’autre. Le plus habituellement, c’est l’écrivain (Cicéron l’a remarqué) qui contribue à former l’orateur. Chez M. Guizot, c’est plutôt l’orateur qui a contribué à perfectionner l’écrivain, et quelqu’un a pu dire que c’est sur le marbre de la tribune qu’il a achevé de polir son style. M, Guizot, à ses premiers débuts, n’a pas toujours bien écrit, il écrivait du moins très-inégalement. Dès que sa passion pourtant était en jeu, dans ses articles de polémique, dans ses brochures, il avait bien du trait et de l’acéré. Longtemps j’ai entendu dire que M. Guizot n’écrivait pas bien. Il faut y regarder à deux fois avant de lui refuser une qualité ; car, avec cette volonté tenace et ardente qui est en lui, il peut bien ne pas tarder à conquérir cette qualité qu’on lui refuse et à dire : La voilà ! Comme professeur, M. Guizot parlait bien, mais sans rien d’extraordinaire ; il avait de la netteté, une lucidité parfaite d’exposition, mais des répétitions de termes abstraits, assez peu d’élégance, peu de chaleur. On a toujours la chaleur de son ambition. L’ambition de M. Guizot ne devait se sentir à l’aise et comme chez elle que sur la scène parlementaire, au cœur des luttes politiques : c’est là qu’il devint tout entier lui--