ses rêves. C’est ainsi qu’il a dépensé continuellement les plus riches dons, sans être averti de les ménager, jusqu’à ce qu’il les ait dissipés à peu près tous, — oui, tous, excepté ce don de la parole qui semble chez lui intarissable, et dont il jouera jusqu’à la fin comme d’une flûte enchantée. Pour me représenter M. de Lamartine et ses erreurs sans lui faire trop d’injure, je me suis demandé quelquefois ce que serait devenu un François de Sales ou un Fénelon, une de ces natures d’élite, qui n’aurait pas été élevée du tout, qui n’aurait connu aucune règle, et se serait passé tous ses caprices. Un Fénelon gâté et sans aucun frein, une manière d’Ovide à demi mystique, parlant du ciel et s’occupant de la terre, vous êtes-vous jamais figuré une combinaison de ce genre-là ?
Il faut pourtant qu’indépendamment de l’éducation il ait manqué quelque chose encore à cette nature et à cet esprit d’ailleurs si doué ; car, lorsqu’une qualité un peu forte existe en nous, elle sait très-bien se produire tôt ou tard, et se passer après tout de l’éducation. Nous voici revenus à cette fée absente, la seule, disions-nous, qui ait fait défaut au berceau du poëte. Voyons si lui-même, dans son ingénuité d’aveux, il ne nous mettra pas sur la voie pour la reconnaître. Parmi les auteurs qu’il lit d’abord et qu’il aime, nous trouvons le Tasse, Bernardin de Saint-Pierre, Ossian ; c’est tout simple, et l’affinité des natures, la parenté des génies se déclare. Mais ce jeune esprit ouvert à tout, amoureux de tout, repousse un seul livre parmi ceux qu’on lui met entre les mains ; il a d’instinct une aversion. Et pour qui donc ? pour La Fontaine. « Les fables de La Fontaine, dit-il, me paraissaient à la fois puériles, fausses et cruelles, et je ne pus jamais les apprendre par cœur. » Cela me rassure de voir que M. de Lamartine n’ait jamais eu de goût pour La Fontaine, et dès lors je me